Les bourreaux nazis étaient-ils schizophrènes ?

Chaque fois qu’un crime abominable commis nous bouleverse, un mot est avancé par les médias : « schizophrénie ». Ce diagnostic balancé à la va-vite permet d’éviter de juger une personne criminelle.

L’horrible meurtre de la petite Lola prend le même chemin. N’étant pas psychiatre, il ne m’appartient pas de porter un diagnostic mais ceux qui ont examiné la suspecte ont estimé qu’elle était consciente de ses actes et qu’elle pouvait être incarcérée.

Ceci n’a pas empêché qu’en se basant sur l’incroyable récit des faits livrés au public, des psychiatres de plateau TV décrètent que cette femme est schizophrène. L’argument est imparable : Au vu de ce que montrent d’elle les réseaux sociaux, elle semble être une jeune femme comme celles de son âge et comme elle n’a pas d’antécédents judiciaires,c’est donc qu’elle est schizophrène.

Je ne souhaite à personne d’être suivi par des psychiatres qui se permettent un tel diagnostic. Le but recherché est de tenter d’éviter un procès qui pourrait éclairer le déroulement des faits sous un autre jour et révéler d’autres mobiles à ce crime.

Beaucoup d’entre nous ne supportent pas l’idée que cette criminelle puisse échapper à la justice comme ce fut le cas pour l’assassin de Sarah Halimi . Sa défenestration avait été mise sur le compte de la consommation de cannabis du meurtrier malgré des indices de fanatisme islamiste et antisémite de son comportement.

Face à la terrifiante perspective de voir Dabhia B considérée irresponsable, certains n’hésitent pas à s’en prendre aux schizophrènes. Sur Twitter circulait une photo de deux policiers pointant des mitraillettes avec ce texte sans équivoque :  » Le traitement pour les schizophrènes « .

Dans l’esprit du public non averti schizophrène » va bientôt devenir synonyme d’assassin. Pour des raisons politiques, les personnes qui tuent, qui décapitent et font des attentats islamistes sont étiquetés schizophrènes, C’est très éprouvant pour les personnes qui souffrant réellement de cette maladie ,sont des êtres intelligents, sensibles et vulnérables et dans leur immense majorité totalement inoffensifs.

Il y a quelques années l’UNAFAM (association des familles de malades psy) écrivait que statistiquement, il n’y avait pas plus de criminels parmi les personnes atteintes de schizophrénie que dans le reste de la population. C’était le même pourcentage. Par contre ces personnes présentaient un risque de suicide bien plus élevé que le reste de la population. Leur fragilité les expose à être sept fois plus victime d’actes malveillants (agressions, vols viols) que les autres personnes

Assimiler les pires actes criminels à la schizophrénie revient tacitement à donner un permis de tuer des personnes schizophrènes ou atteintes d’autres pathologies mentales. Les chambres à gaz des nazis ont d’abord été testés sur des personnes handicapées. Nous n’en sommes plus très loin. Cet appel à tuer les schizophrènes n’a pas été enlevé par Twitter malgré mon signalement pourtant en accord avec la charte éthique (appel au meurtre de personnes handicapées).

Il y a quelques mois Matthieu, un ami de mon fils a été abattu à la carabine par son père qui s’est suicidé après. La raison invoquée est qu’il était autiste est que c’était une euthanasie par amour.

Pour avoir a participé à des groupes de parole de l’UNAFAM, j’ai vu comment les familles de personnes schizophrènes se battaient pour accompagner au mieux leur proche qui essayait de s’en sortir. J’ai aussi assisté à des conférences du Centre Expert de la schizophrénie qui faisait un bon travail portant ses fruits. Je n’accepte pas que le mot schizophrène serve de fourre-tout à tout ce qui est détestable dans notre société.

Je ne sais pas si Dabhia B est schizophrène. Dans ce qui nous a été relaté je suis frappée par la dimension rituelle satanique de son acte. Quelle valeur de vérité a ce récit cauchemardesque ? Pourquoi nous a-t-on fourni autant de détails à ce niveau de l’enquête comme si tout devait être bouclé rapidement sans que l’on cherche plus loin ?

Tous les gens qui pratiquent le satanisme sont-ils schizophrènes ? Tous les drogués sont-ils schizophrènes. ? Tous les gens prêts à tuer par fondamentalisme religieux sont-ils schizophrènes ? Les maris violents qui tuent leur femme sont-ils schizophrènes ? Les bourreaux nazis étaient-ils schizophrènes ?

Ça fait beaucoup de monde. Il est tentant de se dire que des gens qui accomplissent des crimes odieux sont détraqués. Ça permet de mettre une distance entre eux et nous. Pourtant, il y a une différence entre un malade mental qui obéit à une pulsion ou commet un acte dicté par des voix qu’il est seul à entendre et une personne qui tue par adhésion à une religion, une idéologie, une croyance qui est celle d’un groupe. Dans le second cas, il s’agit d’un choix de vie. Dans le satanisme c’est le choix du Mal qui anime de telles sectes.

Notre condition humaine nous offre le libre arbitre pour décider d’opter pour le Bien ou pour le Mal ce qui nous met en tension permanente parce qu’agir pour le bien nous confronte aussi à la part d’obscur qui sommeille en nous.

Dans le satanisme, le choix du mal est clairement assumé : Vendre son âme au diable en vue de ses faveurs. Lorsque le Mal a des conséquences irréversibles, retrouver plus d’humanité semble improbable.

Par peur d’assumer un crime innommable, le coupable cherche à s’en déresponsabiliser : Ce sont les voix qui ont dit de tuer, l’emprise d ’une addiction à la drogue ou à l’alcool ou l’influence d’une secte, d’une religion, d’une idéologie totalitaire. Pourtant, il n’y a aucune appartenance à un groupement humain sans l’adhésion pleine et entière de ses membres. En cas de déviance la responsabilité des coupables reste entière.

S’il ne fait aucun doute qu’Hitler était un malade mental, personne n’a songé à l’excuser. Le nazisme qu’il a créé est un système qui n’aurait jamais pu exister sans l’assentiment des personnes qui ont aidé à le mettre en place et le servir. Le procès d’Eichmann à Jérusalem auquel a assisté Hannah Arendt à démontré sous la plume de la philosophe, l’insoutenable normalité de bourreaux nazis et la terrible banalité du mal.

Pour reprendre ce qu’on dit les psychiatres de plateau TV (du moins la première partie) les vidéos de la meurtrière ne la montrent pas différente des autres filles de son âge. Pas délinquante non plus ( pas d’antécédents judiciaires).

Et si elle était aussi normale qu’une jeune femme narcissique aguicheuse aimant les beaux vêtements et l’argent prête à tout pour en gagner beaucoup et capable de participer activement à un crime barbare sans la moindre empathie envers la petite fille innocente qui meurt dans d’intolérables souffrance ?

Nous ne saurons jamais si elle a agi seule et malgré ses incohérences, l’enquête n’ira pas plus loin. La schizophrénie est une réponse commode pour ne pas poser les questions embarrassantes.

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