les gens qui n’ont rien à se reprocher

Internet a réussi le tour de force de faire accepter aux gens de voir leurs échanges et leur navigation intégralement sous surveillance. Depuis quelques années, la communication sur les blogs et forums est soumise à une censure de plus en plus excessive, mais on finit par s’habituer à tout y compris à l’inacceptable.

J’ai compris depuis longtemps que les mails étaient surveillés, oh pas tous mais j’ai pourtant déjà été confrontée à la censure chez Yahoo lorsqu’un mail faisant référence à la guerre en Irak ( pourtant déjà passée au moment des faits) mentionnait le nom de Georges Bush qui était encore président des États-Unis.

Sur les blogs et forums, les gens se sentent protégés par l’anonymat, mais c’est probablement un leurre. C’est parce que j’ai commencé à utiliser mon blog pour évoquer ma création artistique que j’ai choisi d’être identifiable, mais vu que j’écris des livres , j’ai l’habitude d’assumer mes prises de position.

Facebook a fait éclater toute notion de vie privée et la plupart des gens ne se rendent même pas compte des dangers auxquels ils s’exposent.

Si l’on se plaint d’être un peu trop surveillé, on passe facilement pour paranoïaque.Les gens pensent que les écoutes téléphoniques, les micros et les diverses surveillances ne concernent que des individus qui ont quelque chose à se reprocher. Ils ne se rendent pas compte à quel point c’est devenu banal et ne réalisent pas qu’une bonne partie de la population est fichée.

Les jeunes générations n’ont pas la méfiance de leurs aînés et certains pays comme l’Espagne propose aux jeunes l’implant d’une puce RFID sous la peau pour avoir accès à des discothèques ou a des lieux branchés. Cette traçabilité contenant des informations sur eux par un procédé qui jusqu’alors était à celle des animaux d’élevage ne les choque pas. Ils sont confiants car selon leurs propres termes, ils n’ont rien à cacher.

Ne rien avoir à se reprocher n’est pas une raison suffisante pour accepter en toute innocence de se soumettre à des contrôles sur lesquels nous n’avons pas de prise . La morale n’a pas grand chose à voir dans cette affaire car selon les politiques en place il ne suffit pas d’être honnête pour ne pas se voir reproché d’être ce que l’on est. La police de la pensée peut désigner coupable quiconque contrevient à la morale qu’elle impose . Tant qu’il subsiste un semblant de démocratie n’avoir pas les idées qui conviennent fait simplement l’objet de critiques. Dans une société plus totalitaire, la même déviance face à la pensée en vigueur devient un délit passible de sanction.

Ce n’est donc pas parce que l’on n’a rien à se reprocher qu’un jour on ne ne se verra pas stigmatisé pour son âge, sa situation sociale, son origine , sa religion, sa couleur de peau, son genre, son appartenance politique, ses idées. Avec toutes les données fichées, n’importe quelle dictature n’aura plus qu’à se servir de ces informations pour neutraliser les personnes qu’elle estimerait mettre en péril la cohésion de la société.

Pour conclure cette note, il n’est peut-être pas inutile de rappeler le célèbre (et toujours d’actualité) poème de Martin Niemoller :

« Lorsque les nazis sont venus chercher les communistes

Je n’ai rien dit

Je n’étais pas communiste.

Lorsqu’ils sont venus chercher les sociaux-démocrates

Je n’ai rien dit

Je n’étais pas social-démocrate.

Lorsqu’ils sont venus chercher les syndicalistes

Je n’ai rien dit

Je n’étais pas syndicaliste.

Lorsqu’ils sont venus chercher les catholiques

Je n’ai rien dit

Je n’étais pas catholique.

Lorsqu’ils sont venus chercher les Juifs

Je n’ai rien dit

Je n’étais pas Juif.

Puis ils sont venus me chercher

Et il ne restait plus personne pour protester ».