Lettre ouverte à Bernard Lavilliers

Je ne sais si tu liras ces lignes écrites par « une conne antivax attendant un dictateur »  Probablement pas car si tu avais la capacité de remettre en cause tes certitudes infondées, ce serait déjà fait .Je n’ai pas la prétention de penser que je pourrais te faire changer d’avis.

Cette lettre, je l’écris peut-être pour toi si par hasard tu la lis, mais surtout pour moi, pour nous, pour eux, tous les résistants qui ont eu la force de n’écouter que leur conscience parce qu’on ne transige pas avec la vérité.

Contrairement à beaucoup de déçus outrés par tes mots qui nous condamnent bêtement, je n’évalue pas la création de toute ta vie à l’aune de ce propos. Si tu fais partie des personnes dont la vieillesse est un naufrage, ça n’enlève rien à ton œuvre passée.

Pour moi, la question n’est pas de séparer l’homme de l’artiste car l’artiste puise en lui la matière brute de sa création et il compose avec ses rêves, son idéal, son désir d’harmonie mais aussi avec la part sombre de son être.

Céline était un sale type, antisémite et détestable mais son voyage au bout de la nuit est un chef d’œuvre et son style a révolutionné la littérature. De Céline, je ne retiens que quelques livres.

Nous avons tout vibré avec les poèmes d’Arthur Rimbaud sans nous encombrer du fait qu’ensuite l’homme a été moins reluisant. Nous avons oublié le trafiquant d’armes pour ne garder de lui que sa poésie .

La création est ce que l’artiste donne à l’humanité même lorsque la société ignore ce don. Certaines œuvres sont dérangeantes quand elles émanent de détenus ou de personnages peu recommandables mais elles tracent un pont entre les eaux glauques et la lumière.

Je ne renie jamais une œuvre que j’ai appréciée même si son créateur me déçoit par la suite. Pourquoi brûlerais-je ce que j’ai aimé, qui m’a aidé à me construire et à devenir ce que je suis.

Le Bernard Lavilliers qui m’a touchée avec sa voix rauque, ses musiques exotiques et le chemin solitaire de l’homme libre a rejoint le panthéon de mes rêves de jeunesse et des auteurs aimés. Je t’ai vu à une fête de Libé dans les années 70. J’ai acheté certains de tes albums.

Mais un panthéon, abrite les morts et si je te fais une place dans le mien aux cotés de Léonard Cohen, Janis Joplin, Serge Gainsbourg ou Jacques Higelin et quelques autres, c’est que le Bernard Lavilliers de ma jeunesse est mort peut-être depuis longtemps

Comme d’autres artistes, tu as trébuché et le piège du covidisme s’est refermé sur toi. Comment réussis-tu le tour de force de mêler dans un même entretien des propos pertinents sur le langage creux utilisé par les politiques et une déclaration aussi stupide sur ceux que tu appelles les antivax ?

Tu t’accroches à un faux vaccin pour conjurer ta peur de la mort en espérant que cette mixture va te sauver. Je n’ai pas à juger ton choix. Mais traiter d’antivax et de « connards espérant une dictature « les personnes qui ont fait l’effort de s’informer, te mets hors jeu. Pas question que j’écoute une seule chanson de ton nouvel album ni que je t’écoute si tu passe à la télé. Mais je sais pardonner à quelqu’un qui reconnaît sincèrement son erreur et présente ses excuses.

As-tu pris la peine de regarder les photos des visages des personnes parfois très jeunes mortes après avoir reçu cette injection? Penses tu aux larmes de leurs familles : Des connards d’antivax ?

Et tous ces scientifiques parmi les meilleurs du monde qui n’ont pas hésité à fragiliser leur réputation par honnêteté morale et intellectuelle  : Leur rigueur ne pouvait s’accommoder de imposture consistant à faire passer pour un vaccin un traitement génétique expérimental. Pouvaient-ils se taire sachant qu’il n’immunise pas, ne rend pas moins contagieux ? Pouvaient-ils ne pas nous avertir des risques pour notre santé ? Fallait -il cacher ’irréversibilité de cette expérimentation génétique pour l’humanité ?: Des connards d’anivax?

Et ces médecins, interdits d’exercer parce qu’ils ont refusé l’injection toxique ? Certains ont radiés de l’ordre pour avoir bravé l’interdiction de lEtat de soigner les malades du Covid. ! Des connards d’antivax ?

Et tous les personnels suspendus, soignants pompiers mais aussi secrétaires médicales, cuisiniers, bibliothécaire, tous faisant partie de ce peuple que du prétends aimer ! Ils se sont retrouvé sans l’emploi qui leur permettait de vivre.. Une partie d’entre eux n’a plus de logement. Des couples se sont brisés Des connards d’antivax ?

Comme des parias, nous avons subi le pass de la honte nous interdisant la plupart des lieux de culture de loisirs et de convivialité. Nous avons été la cible des médias propagandistes appelant à la haine contre nous à notre exclusion et à notre mort sociale. Penses-tu vraiment que nous avons sacrifié notre liberté pour l’offrir à un dictateur appelé de nos vœux ? Le pass vaccinal n’était-il pas déjà la preuve que nous étions en dictature? Mais de toute évidence, le marginal que tu prétendais être a rejoint la meute.

« On the road again », ce sont désormais ceux d’entre nous qui ont été dépossédés de leurs repères sociaux mais qui n’ont pas renoncé à leur dignité. Condamnés à l’errance sur une route incertaine, ce chemin peut mener jusqu’à Compostelle. Je les aime tous, Ils sont ma voix, mon espoir ma foi en l’humanité.

Nous chérissons la liberté et si un jour un dictateur parvient à nous emprisonner, notre âme lui échappera toujours . Elle danse dans la lumière de la conscience et de la vérité. Ça les rend fous, les dictateurs, C’est pour ça que Macron refuse de réintégrer les résistants suspendus par lui pour avoir refusé la marque de la Bête.

Tu es passé complètement à côté, Bernard. Il serait plus exact de dire que tu es passé de l’autre côté. Tu ne liras sans doute jamais cette lettre. Dommage. Adieu, Bernard, je t’aimais bien tu sais , mais c’est toi qui a pris congé de nous en fustigeant le monde de ceux qui se battent pour la liberté.

Réflexions autour de l’affaire Gabriel Matzneff

Bien que n’ayant aucune sympathie pour Gabriel Matzneff, je n’aime pas m’associer à la meute pour achever un homme qui ne se relèvera pas de la tempête justicière qui s’abat sur lui.

Pourtant, j’essaie de comprendre car pour moi qui me souviens avoir eu 14 ans en 1967, les relations entre une jeune fille de cette âge et un majeur méritent d’être examinées par la justice avec discernement. Mon expérience s’est arrêtée à un premier baiser une nuit sous la pluie à la lumière de Notre-Dame avec un étudiant de 24 ans auquel j’avais menti sur mon âge. Il m’avait remonté le moral, posé son manteau sur mes épaules parce que je grelottais. C’est lors de cette fugue que j’ai découvert le désir. C’est un joli souvenir et l’homme n’est pas allé plus loin.Il a même insisté pour que je rentre chez moi. Fin de l’histoire et heureusement car mes parents l’auraient envoyé en prison.

Qu’un écrivain célèbre ait pu grâce à son style séduire une adolescente de 14 ans ne me choquerait pas outre mesure s’ils’agissait d’une passion idéaliste ou romantique

Un écrivain respectueux de sa jeune muse pourrait vivre avec elle une belle histoire d’amour qui dans ce cas resterait dans le domaine de l’intime jusqu’à ce quel’un des deux y mette un terme.

Un livre règlement de comptes de son ex amante doit s’évaluer en considérant que Vanessa Springora n’est plus la jeune fille qui a été attirée pas l’écrivain et qu’il s’agit d’une réécriture de son histoire ou plus exactement sa réappropriation puisque jusqu’à présent, elle avait été accaparée par Gabriel Matzeff qui l’avait décrite dans le registre de son abjecte perversion pédophile.

En militant pour le droit à la pédophilie, Gabriel Matzneff a fait de cette histoire une vulgaire affaire de pervers affichant un manque total de considération pour ses jeunes partenaires, puisque garçons comme jeunes filles n’existaient que pour son bon plaisir. Simples objets sexuels à sa disposition, au gré de ses fantasmes pornos , ils devenaient interchangeables donc chosifiés.

Plus grave encore, il a fait de sa perversion, la matière de ses romans. C’est tout simplement abject et destructeur pour ses proies de voir étalé publiquement, ce qu’elles avaient donné d’elles par naïveté et par amour.

Cette exhibition littéraire sur le dos de l’innocence de ses jeunes victimes rappelle l’horreur vécue par des jeunes filles sont les ébats sexuels sont filmés à leur insu et diffusés sur Internet par des ados ne connaissant la sexualité qu’à travers la pornographie.

Gabriel Matzneff n’est pas qu’un pédophile. C’est surtout un salaud car précisément il n’a pas profané que le corps de ses jeunes victimes mais aussi leur âme et leur dignité.

Dans mes livres, je fais toujours preuve de la plus grande retenue quand j’évoque mon vécu qui concerne mes proches car l’image qu’ils veulent donner ne m’appartient pas. . Et quand je m’avance un peu plus, je n’écris rien sans leur accord.

Une des conséquences terrible de l’affaire Gagriel Matzeff est que l’on risque de mettre sur le même plan la pédophilie revendiquée de ce pervers cynique et protégé qui écrit des textes insoutenables sur ses victimes enfantines et n’importe quelle relation entre un mineur et un majeur.

Concernant Gabriel Matzneff, il n’y a pas à s’interroger pour savoir s’il faut dissocier l’homme de l’artiste. Si l’on enlève l’étalage de sa perversion, il n’ a plus d’artiste. Juste un grand malade.

Pourtant il existe de vraies histoires d’amour entre majeurs et mineurs, les majeurs en question n’ayant pas de profil pédophile. Je me souviens d’un procès récent où une adolescente toxicomane suicidaire avait trouvé l’amour chez un homme majeur qui lui avait redonné confiance en elle et en la vie. Un brave homme qu’elle a défendu au procès.

Je crois que la justice s’est montrée clémente. Il n’a pas été condamné ou peut-être avec sursis mais ils ont dû mettre un terme à leur histoire d’amour. Sauf que pour une personne suicidaire cette séparation a sans doute laissé des séquelles
Un minimum de sensibilité est indispensable. Certaines jeunes filles de 14 ans sont rejetées par les garçons de leur âge parce qu’elles sont beaucoup plus mûres qu’eux et se sentent plus à l’aise avec des plus âgés ( pas 50 ans tout de même).. C’était mon cas et le simple fait d’entendre l’homme qui m’a embrassé sur l’Île de la Cité me dire «  Tu es très belle, j’ai envie de toi » m’a permis de me sentir plus sûre de moi pour nouer des relations avec des hommes de moins de 21 ans ( majorité à l’époque).

L’opinion publique manque de discernement et l’horreur des écrits pédophiles de Gabriel Matzneff risque encore d’hystériser le débat.C’est pourquoi hormis cet article, je ne m’exprimerai plus sur le sujet.

Yann Moix et le voyage au bout de sa nuit

Il y a décidément quelque chose de malsain chez Yann Moix. Loin de répondre à mes questions ou de dissiper mes doutes, l’émission « On n’est pas couché «  où Yann Moix devait s’expliquer face aux polémiques m’a laissé une impression désagréable, un malaise si persistant, que j’ai mis des heures à trouver le sommeil, après avoir éteint mon téléviseur.

Curieusement, la question centrale autour de l’antisémitisme ne m’a pas choquée outre mesure. Pourtant, ce que j’ai pu en lire atteint un degré d’abjection qui ferait presque relativiser les provocations antisémites de Dieudonné. Mais justement l’antisémitisme de jeunesse de Yann Moix (et ses séquelles plus tardives mises en lumière par quelques amitiés compromettantes) a relégué au second plan, la polémique antérieure amenée par la lettre de son frère Alexandre qui expliquait avoir été martyrisé par Yann dans son enfance et harcelé en tant qu’adulte. Et sans doute était-ce le but..

Bien qu’il dise avoir tremblé 30 ans que son passé antisémite resurgisse, j’ai l’impression que Yann Moix n’est pas étranger au fait que ça sorte maintenant.

Besoin de buzz pour mieux vendre son livre ? Possible mais pas certain en tout cas pas uniquement.

Ses propos antisémites sont désormais reconnus par lui comme ignobles. Il en assume pleinement la honte et demande pardon.

Et bien sûr qui pourrait penser que Yann Moix est encore antisémite lui qui soutient son ami BHL, défend Israël mieux que quiconque, se situe dans la lignée de Benny Levy et de Lévinas et se sent en affinité avec la judéité.

Yann Moix n’est donc plus antisémite. Qu’on se le dise !Il a cherché à se racheter Nul ne peut en douter. Après une telle confession, il s’estime en droit demander à ce que l’on s’intéresse à l’homme au parcours exceptionnel qu’il est devenu.

Pour autant suffit-il de ne pas être antisémite et de le prouver par ses actes pour être ce personnage charismatique qu’il prétend être ?

Je m’interroge sur son aigreur envers son frère qui transparaît dans ses propos pourtant bien calculés Selon lui, il n’a pas parlé de lui dans son livre pour le protéger car bien que n’ayant jamais été frappé par ses parents Alexandre a sans doute été une victime collatérale cette situation familiale toxique.

Si l’on découvrait que Yann a vraiment martyrisé son frère lorsqu’il était enfant, ceci ne justifierait pourtant pas que l’on rejette l’adulte qu’il est à présent.

Subissant la violence paternelle, un enfant peut se venger sur plus faible que lui. C’est peux glorieux mais il y a des circonstances atténuantes notamment lorsque l’on est un enfant.

Cette hypothèse semble pourtant conforme à l’aveu de Yann : « J’essayais de frapper les plus faibles à l’école. Je prenais le plus faible et je le frappais, et je le frappais à mort […] Je me sentais bien en faisant ça ». Aucune demande de pardon de sa part envers ces petits écoliers tabassés mais une pointe de plaisir et de fierté.

Ceci aurait donc tendance à accréditer les propos d’Alexandre car on voit mal ce qui l’aurait empêché de se venger sur son jeune frère des coups reçus de son père. J’ai même perçu en lui une certaine rancœu rlorsqu’il a fait faisant remarquer que son frère le dénonçait pour le faire punir.

J’ai du mal à croire que son frère s’est construit en s’inventant des coups et des humiliations reçues de Yann pour se préserver de cette ambiance opprimante.

Yann Moix est apparu encore plus opaque quand il a évoqué ( en disant que ce n’était qu’une supposition) des probables affinités de son frère avec l’extrême droite qu’il accusait d’avoir organiser la fuite des documents antisémites pour qu’ éclate la polémique.

En parlant son frère, il était loin d’être aussi convaincant que lorsqu’il a assuré son exemplarité actuelle dans sa lutte contre l’antisémitisme.

Dans sa lettre bouleversante Alexandre a dit que le harcèlement de Yann n’avait jamais cessé, que Yann cherche à nuire à sa carrière professionnelle : on se dit que si c’est vrai l’homme que dit être devenu Yann, n’est peut-être pas vraiment un modèle à imiter sur le plan humain.

Qui ne se souvient de son aspect teigneux et de sa méchanceté souvent gratuite pour démolir certains invités lorsqu’il était chroniqueur à ONPC ? Plus récente est déclaration sur les jeunes femmes qu’il désire et son rejet de 50 ans ( son âge), qui dénote chez lui, une profonde immaturité affective et une difficulté à aimer.

Il ne suffit pas d’avoir réussi le tour de force rester le protégé de BHL, il lui reste pas mal de chemin à parcourir simplement pour devenir un homme mature et apaisé. Mais l’écrivain le souhaite-t-il ?

Certains voient en lui un pervers narcissique manipulateur, ce qui expliquerait mon malaise ressenti en l’écoutant mais je ne suis pas là pour le juger.

J’ai simplement regretté sur bien des points une impression d’insincérité qui m’a donné à penser que le vrai problème de Yann Moix n’était pas celui de l’antisémitisme qu’on nous donnait en pâture mais des aspects de lui bien plus sombres.  Ce n’était qu’une partie du voyage au bout de sa nuit.

Génie ou folie ? : 1 Le temps du formatage

Que n’a-t-on dit et écrit sur la frontière mal définie entre le génie et la folie ? La psychiatrie ne pouvait pas ne pas mener cette réflexion Le titre du livre Philippe Brenot : « Le Génie et la Folie « va droit au but mais l’auteur met une majuscule à ces deux noms peut-être pour spécifier qu’ici, il ne s’agit pas du génie commun ( existe-t-il un génie commun ? ) et encore moins de la folie ordinaire .

Ce livre dont la première publication remonte à 1997 n’apporte pas un éclairage bien nouveau à ce sujet qui s’attache à la musique la peinture et la littérature. Pourtant la liste des grands créateurs psychotiques, dépressifs ou plus généralement bipolaires est impressionnante. Malgré quelques exemples notoires Van Gogh pour la peinture ou Schumann pour la musique ( pour ne prendre que les plus significatifs), c’est surtout la poésie et la littérature qui révèlent les fêlures de bon nombre d’écrivains et de penseurs. C’est à se demander si l’écriture libère vraiment comme le ferait une psychothérapie ou si au contraire, elle isole, éloigne du réel renforce les obsessions ou si elle n’entretient pas la souffrance dont elle fait le matériau de sa création.

Vu que chaque artiste cité dans le livre est un être d’exception, il est bien difficile d’établir une théorie à partir de ces exemples et malgré les intentions de l’auteur les avancées de la psychiatrie ne lèvent qu’une infime partie du mystère de la création.

Il est vrai que la psychiatrie n’est pas une science exacte.

Plutôt que de mettre un diagnostic sur des gens que l’histoire a reconnus comme des pionniers dans leur discipline, voyons ce que Philippe Brenot écrit sur le génie.dont il retient ces critères :

– Le caractère particulièrement innovant de l’œuvre

– Une œuvre en rupture avec celle de ses contemporains

– Une reconnaissance publique large et durable

– L’hypothèse d’un appareil psychique particulier

– L’existence ou non de prédispositions

Il explique que le terme génie est peu utilisé aujourd’hui. Il préfère la notion de « personnalité créatrice originale. Voici une expression édulcorée qui ne fait pas trop peur à une société qui craint tout ce qui échappe à son formatage .

Dans le chapitre :  «  Les limites du génie », il évoque les délirants scientifiques, mathématiques et inventeurs en précisant :

« En l’absence d’une bonne connaissance de leur domaine, il est difficile de savoir s’il s’agit d’un malade délirant ou d’un génie méconnu qui vit son discrédit comme une persécution. Il existe des inventeurs de génie. S’ils ne sont pas reconnus, ce sont des paranoïaques. Encore une fois la définition du génie passe par la reconnaissance sociale. »

Il est clair qu’il n’y a pour lui de génie que s’il y a une reconnaissance sociale. Pourtant, dans un autre chapitre, il admet qu’un génie est souvent en avance sur son temps qu’il est insoumis solitaire et marginal, ce qui ne favorise pas vraiment sa reconnaissance sociale.

Aujourd’hui ,un inventeur indépendant de génie a très peu de chances d’accéder à la reconnaissance sociale, s’il n’a pas les moyens de financer des brevets internationaux. Plus son invention est géniale, plus il risque d’être dépossédé de son invention par des gens peu scrupuleux.

Après une telle mésaventure, l’inventeur solitaire désargenté aurait de bonnes raisons de devenir paranoïaque mais comme un être d’exception a une grande capacité d’anticipation, le sentiment de persécution peut traduire le fait réel que cette personne sait qu’elle ne dispose pas des possibilités de faire reconnaître son invention. Est-ce vraiment l’expression d’un délire ?

Les chercheurs travaillent au sein des institutions, ce qui barre la route aux électrons libres , autodidactes ayant des intuitions fulgurantes pouvant déboucher sur des inventions.

Pour revenir aux arts plastiques et notamment à la peinture, la dictature de l’art contemporain s’appuie sur le fait que pour être admis, l’art doit être dans la tendance de l’époque. Plus un artiste s’en éloigne, innove à contre-courant ( par exemple dans la peinture) et plus il court à sa perte. L’art contemporain se protège des génies et l’hyper-institutionnalisation n’admet pas les démarches singulières. Un peu contraint et forcé par quelques collectionneurs , l’art brut a bien résisté mais il est désormais encadré par des des codes qui lui enlèvent sa sève. Plutôt que la recherche d’artistes d’exception, les lieux diffusant de l’art brut coursent plutôt la subvention (essentiellement européenne) en exposant les artistes sur la base d’échanges entre pays quitte à ignorer délibérément un artiste bien plus novateur vivant pourtant à proximité mais ne correspondant pas aux normes d’obtention de subsides espérées.

Si les névroses et les psychoses ont pu autrefois contribuer à l’émergence de créateurs de génie aujourd’hui selon les critères de Philippe Brenot, les génies n’ont pas d’autre issue que d’être considérés comme des malades relevant de la psychiatrie!

Par contre, il ne peut y avoir de génie sans concrétisation de ce potentiel inventif dans une œuvre qui reconnue ou pas sort du registre de la maladie. ( à suivre)

Salutaire réel !

Continuons  un peu avec Guy Débord  qui écrit :  » L’aliénation du spectateur au profit  de l’objet contemplé (qui est le résultat de sa propre activité inconsciente)  s’exprime ainsi : plus il contemple, moins il vit ; plus il accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin,  moins il comprend sa propre existence et son propre  désir.  L’extériorité du  spectacle par rapport à l’homme agissant apparaît en ce que ses propres gestes ne sont plus à lui mais à un autre qui le les lui représente. C’est pourquoi, le spectateur ne se sent chez lui nulle part, car le spectacle est partout »

Comment d’étonner que les gens aillent  de moins en moins au  théâtre ? Le spectacle le plus accompli est celui qui ne dit pas son nom   mais  dont les gens font leur vérité comme si leur vie devait dépendre de ce que les médias leur donnent à ingurgiter. Guy Débord écrit encore que « dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux « .

Rendons la fiction à l’art au théâtre et à la littérature  parce qu’au moins elle ne se fait pas passer pour autre chose que ce qu’elle est.  Mais  lorsque c’est toute la société qui se construit sur de mythes et des mensonges, la première urgence de l’art devient parfois   l’émergence d’un réel  trop longtemps ignoré.

Céline toujours au bout de la nuit

« Dis-moi Céline, les années ont passé… pourquoi n’as-tu jamais songé à te ranger au rayon des gens respectables, commémoratives en grande pompe … funèbre.

Ne pleure pas non ne pleure pas… « T’as d’beaux yeux tu sais » ! « Embrasse-moi ! » Mais non je me mélange pas les pinceaux : Gabin -Morgan-Quai des brumes c’est à cause des beaux yeux de la chanson , juste une question d’époque et puis fallait bien faire une transition entre le refrain d’une chanson qui n’a de commun avec Louis Ferdinand que ce prénom « Céline « .

Il n’y aura pas donc de commémoration officielle pour l’anniversaire de la mort de Céline. C’est le plus bel hommage que l’on puisse lui rendre. Ainsi pas de discours ronflant, pas de révisionnisme, pas d’auteur momifié avec des bandelettes » » bleu blanc rage ». Céline restera pour l’éternité un salopard doublé d’un écrivain génial ou si l’on préfère un écrivain d’avant-garde parvenant mal à faire oublier l’antisémite qui déglingue un peu son aura.

On a donc échappé à une béatification ministérielle et officielle qui pour rester politiquement correcte auraient cherché à dissocier l’écrivain de l’encombrant personnage aux propos nauséeux en envoyant des couronnes de fleurs au premier en parlant du deuxième avec la bouche en cul de poule et des regards en biais.

Or il n’y a pas deux Céline : celui devant lequel on s’incline parce que la littérature qu’il a entièrement révolutionnée lui doit tout et l’autre, personnage maudit lui faisant tellement d’ombre qu’il nous entraîne dans l’abjection dès que l’on tombe sous le charme du premier.

 C’est une seule et même personne qui nous happe, nous tient en haleine nous retourne nous embobine avec son style nous fait tanguer jusqu’au vertige avec ses mots crus pour balancer sans fard toutes les facettes de son âme et de celle du genre humain. Son amertume et la force de son écriture décomplexée fois sordide et poétique s’abreuvent à la même source que son horrible détestation des Juifs. Trempée dans le fiel sa plume égratigne et fait naître des étoiles qui se reflètent dans sa noirceur de son époque.

Céline est indivisible. Cette dualité entre l’écorché vif d’une sensibilité inouïe et les côtés sombres du personnage ne peut être occultée car elle lève un coin du voile sur la mystérieuse alchimie qui fait qu’un écrivain est ce qu’il est et rien d’autre. Il existait des dizaines de milliers d’antisémites qui tenaient des propos comme ceux qui dérangent la plus chez Céline mais il n’y a qu’un seul Louis Ferdinand Céline et c’est un écrivain d’exception. Ce qui le distinguait de la meute bête et méchante, c’était sa capacité de transformer l’abject en or.

Rien ne sera donc pardonné à Céline, mais il n’est pas certain que ce soient ses propos antisémites qui lui valent cette nouvelle mise au pilori .C’est sans doute son génie littéraire qui lui est aujourd’hui reproché parce que l’on ne veut surtout pas voir qu’il puise aussi son origine dans les zones les moins reluisantes de l’être.

L’ époque est trop manichéenne pour faire une petite place à un Céline, pourtant bien vivant puisque la commémoration lui a été refusée.

Notre société est désormais bien parée contre les dérapages, la Halde détenant la clé des ceintures de chasteté du langage qui garantissent la pureté des mots en traquant la moindre petite phrase phobique même dite en privé.

 Heureusement l’époque n’a plus besoin de littérature. Un pense-bête résumant les indignations labellisée par la bien-pensance y suffit amplement et fait office de livre. Non, Louis Ferdinand Céline n’a plus vraiment sa place dans un monde où les étoiles ne se regardent même plus dans les caniveaux mais où la poudre de perlimpinpin simule des feux-follets de carnaval pour éblouir les idiots utiles hypnotisés par les médias.