On achève bien les chevaux

Cité dans mon livre : » Donner la mort, ce n’est pas soigner » BoD chapitre 1 : « La compassion politique est suspecte »

https://librairie.bod.fr/donner-la-mort-ce-nest-pas-soigner-martina-charbonnel-9782322537747

Le paradoxe du Bien et du Mal

cascade colorée

Hier, les  catholiques traditionalistes étaient de sortie pour attendre la décision concernant Vincent Lambert. Quand je  les ai vus à la télé, j’ai pensé qu’ils ils  auraient mieux fait de rester chez eux Je  devinais ce qui n’allait pas manquer de se passer et malheureusement, je ne me suis pas trompée.

Je qu’ils affirment  concernant Vincent Lambert est  pourtant sensé. Mais comme ce sont les mêmes qui par ailleurs s’opposent à  l’avortement et à d’autres  réformes sociétales, le simple fait qu’ils prennent position discrédite cette cause qui est pourtant juste.

Désormais pour l’opinion publique  le maintien en vie de Vincent Lambert étant demande par ces gens qui sont  les méchants,  faire le bien consiste donc à faire le contraire de  ce que veulent ces méchants intégristes Faire  le bien, c’est donc faire mourir Vincent Lambert ! Je ne sais pas comment notre société a fait pour arriver à faire gober aux gens de telles contorsions de la pensée.

Lauren Joffrin va encore plus loin en  affirmant  que les intégristes catholiques n’ont rien à envier aux intégristes musulmans. On ne peut nier que certains intégriste chrétiens poussent le sectarisme et  de l’intolérance jusqu’à des actes  répréhensibles des menaces de mort et que da dans les cas les plus extrêmes, cas,  fanatisme peut aller jusqu’à l’agression. En ce sens, tous les intégrismes sont dangereux.

Mais tout de même , sortir un pareil argument lorsque la question posée  est le maintien en vie d’une personne lourdement handicapée  en lui offrant une prise en charge dont elle n’a pas bénéficié dans un service ou elle était considérée comme un légume (alors que d’autres équipes médicales peuvent  lui  prodiguer les soins nécessaires), je m’excuse mais je ne vois pas le rapport avec les terroristes islamiste.

Dans le cas qui nous intéresse, il s’agit de l’accompagnement d’une personne handicapée en considérant qu’elle y a droit et que sa vie est digne  en soi parce que la dignité humaine est inconditionnelle. Dans le deuxième cas il s’agit de fanatiques  qui décrètent que ne sont pas dignes de vivre tous les gens qui ne se reconnaissent pas dans la pratique sectaire de leur religion en s’octroyant le doit de tuer  sauvagement tout ce qui ne fait obstacle à leur diktats.

Si Laurent Joffrin trouve que c’est la même chose   il a besoin de lunettes non déformantes pour apprécier les choses à leur juste valeur. Mais  ce qui me semble le plus probable  c’est que c’est pour lui, une façon de minimiser la menace islamiste en faisant  croire qu’une certaine frange de chrétiens pourrait être tout aussi menaçante pour la société que les terroristes musulmans !!!

Nous voila décidément très loin du sort de Vincent Lambert.Il est vrai que jeter le  discrédit sur les personnes qui  craignent que la jurisprudence de cette affaire ne  mette en danger la vie de milliers de personnes lourdement handicapées  et les diaboliser est bien pratique pour tenter d’imposer dès que possible les lois qui permettront d’euthanasier  les personnes trop  vulnérables  que la société ne veut  plus prendre en charge.

En 1939, les nazis étaient  ceux qui  avaient commencé par réserver (selon leurs propres termes) une   mort  miséricordieuse  (les chambres à gaz) aux personnes handicapées. Par un de  ces retournement de ces situations dont seule l’Histoire a le secret aujourd’hui sont considérés comme des  intégristes  fachos ceux qui veulent  continuer de protéger les personnes  invalides et dépendantes.Comprenne qui pourra !

 

La mort comme réponse à une certaine idée de la vie ?

collines

Bien qu’ayant signé la pétition  pour le maintien en vie de Vincent Lambert et son transfert dans un lieu où une meilleure prise en charge lui permettra d’accomplir des progrès, il m’est  de  plus en plus pénible de voir  cette famille se déchirer à coup  de procès.

Il est vrai que l’enjeu est de taille  puisque du combat de Viviane Lambert dépend la survie de son fils Vincent. Si pour des raisons éthiques, la vidéo  de Vincent dans sa chambre d’hôpital  a pu choquer des gens,  elle n’en était pas moins troublante car de toute évidence, il y a une réactivité et une conscience dans ce corps lourdement handicapé (qui n’est cependant pas sous assistance respiratoire).. Si une meilleure prise en charge peut  non pas le guérir car c’est impossible  mais lui permettre de s’alimenter autrement qu’à l’aide d’une sonde, ceci mérite d’être tenté.

Il est tout à fait légitime et plutôt sain que son épouse ait besoin de tourner la page, de  faire son deuil pour que la vie continue pour elle et son  enfant. Ce deuil  nécessaire était l’un des arguments du Docteur Kariger du CHU de Reims. Mais peut-on enlever la vie à une personne en grande vulnérabilité uniquement pour que son épouse puisse faire son deuil ?

Il peut paraître suspect de voir une maman s’accrocher à la vie de son fils. La psychanalyse a jeté le discrédit sur les mères pour un bon bout de temps. Il est vrai que la maternité est la grand  perdante de notre société puisque l’on estime que deux papas remplacent avantageusement la maman et qu’une femme portant un enfant à vendre n’est plus une maman mais un ventre à louer !

Dans ce contexte, l’amour d’une mère pour son fils   dont l’état  demande une protection  et un dévouement au moins aussi important que dans la petite enfance apparait déplacé, ringard  et hautement suspect. On va l’accuser de vouloir garder son fils pour elle toute seule donc par égoïsme quand on ne l’’accuse pas d’idéologie lorsqu’elle  dit se battre pour toutes les personnes dans le même état que Vincent. Lorsqu’une  société  confond l’amour et  l’idéologie, c’est vraiment qu’elle est en perte  de repères.

Etre mère d’une personne qui souffre  ouvre le cœur à la souffrance des personnes dans le même cas. On ne parle pas d’idéologie lorsqu’une mère dont l’enfant s’est suicidé à cause  du harcèlement  se bat pour  que d’autres ne subissent pas le même sort. C’est l’un des  ressorts  de l’empathie qui   font avancer l’humanité

Je n’ai pas envie de m’appesantir sur les raisons qui font que l’affaire Lambert met à mal la loi Léonetti et risque d’entrainer une loi sur l’euthanasie. Elles sont évidentes et  j’aurais l’occasion d’y revenir.

La seule chose qui m’interroge est le fait que si intuitivement, je sens bien qu’il y a une conscience  dans ce corps que la société juge trop encombrant, il est difficile de savoir si Vincent Lambert   a envie de vivre ou de s’éteindre.  Dans un cas comme dans l’autre on décidera pour lui. C’est cette idée d’une personne totalement incapable d’exprimer sa volonté  qui est  insupportable à la plupart des gens mais on ne peut pas  condamner quelqu’un à mourir  uniquement  parce que l’idée de sa dépendance nous est insupportable.   C’est précisément quand  on se réfère à une idée  de la vie que l’on tombe dans l’idéologie.

 

 

Pour rappel, le film de Julian Schnabel : Le scaphandre et le papillon  ( 2007) d’après le livre autobiographique de Jean Dominique Bauby montre le décalage entre ce  le corps démoli et l’esprit  qui anime ce corps.

 

« Le 8 décembre 1995, un accident vasculaire brutal a plongé Jean-Dominique Bauby, journaliste et père de deux enfants, dans un coma profond. Quand il en sortit, toutes ses fonctions motrices étaient détériorées. Atteint de ce que la médecine appelle le « locked-in syndrome », il ne pouvait plus bouger, parler ni même respirer sans assistance.
Dans ce corps inerte, seul un œil bouge. Cet oeil, devient son lien avec le monde, avec les autres, avec la vie. Il cligne une fois pour dire « oui », deux fois pour dire « non ». Avec son oeil, il arrête l’attention de son visiteur sur les lettres de l’alphabet qu’on lui dicte et forme des mots, des phrases, des pages entières…
Avec son œil, il écrit ce livre, Le Scaphandre et le papillon, dont chaque matin pendant des semaines, il a mémorisé les phrases avant de les dicter… »

http://www.premiere.fr/film/Le-Scaphandre-Et-Le-Papillon-272323